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RUE DES BEAUX-ARTS : L'Eventail de Lady windermere


Voici une production de « L’éventail de Lady Windermere » comme nous n’en avons pas vu depuis longtemps à Paris. Le théâtre 14 nous offre un spectacle plein de feu et de grâce, par l’intermédiaire d’une mise en scène lumineuse signée Sébastien Azzopardi et d’une troupe intelligemment inspirée. Il s’agit d’une version raccourcie de la pièce – je dirais presque « élaguée » - où plusieurs personnages secondaires ont disparu de la scène. (…)

On redécouvre ainsi toutes les subtilités d’un texte qui n’a pas toujours été aussi bien servi. (…) Ici, pas un moment de relâchement. Toute la troupe, de Sébastien Azzopardi, qui joue Lord Darlington avec, au premier acte, tout ce qu’il faut d’humour et de désinvolture à un dandy, pour devenir plus grave au troisième acte sous la métamorphose de l’amour non partagé, à Elisa Sergent, délicieuse Lady Windermere d’une grande fraîcheur, qui laisse magnifiquement éclater sa jalousie et sa colère dans les moments de crise, s’emploie à nous faire ressentir la complexité de cette pièce qui, sous les dehors d’une extrême légèreté, passe par toute la gamme des sentiments humains. Marie-France Santon, inénarrable duchesse de Berwick traînant partout à sa suite sa malheureuse fille Lady Agatha , réduite à ne prononcer que deux mots : « oui, maman » (Aude Sabin, parfaite en jeune oie blanche prête à s’envoler), Jean-Philippe Beche, Lord Windermere solide et convaincant, Franck Desmedt qui donne un relief inattendu au cynisme aimable de son personnage de Cecil Graham, Jean-Michel Bonnarme, domestique stylé et d’une extrême dignité, enfin Jean-Francois Guilliet, truculent lord Augustus, tous jouent juste et se trouvent parfaitement à leur place.

Si nous n’avons rien dit encore de Mrs Erlynne, c’est que nous la gardions pour la bonne bouche. Geneviève Casile est magnifique dans le rôle de cette femme déclassée qui se découvre à son corps-défendant un cœur (…) (« J’ai perdu une illusion la nuit dernière, avoue-t-elle à lord Windermere, je croyais que je n’avais pas de cœur. Je me suis rendu compte que j’en ai un. Et cela ne me va pas d’avoir un cœur »). Geneviève Casile exploite avec une sensibilité rare toutes les ressources du texte wildien. (…) Par sa voix, par son regard, par sa tenue, passent toutes les nuances d’un personnage qui peut être considéré comme l’alter ego de Mrs Cheveley, la perverse héroïne d’«Un Mari idéal ». (…) Geneviève Casile traduit admirablement ce double visage. Tantôt pleine de rouerie, l’œil allumé par un éclair de dérision, elle s’avance d’abord caparaçonnée dans une armure d’insolence et de cynisme, car il lui faut s’armer de dureté et d’ironie pour survivre dans un monde qui l’a mise en marge et la rejette. (…) Elle aurait pu devenir une femme brisée (…), mais elle est devenue une femme libre, fortifiée par l’exclusion, une femme qui lutte pour reconquérir un statut (…). Le passé chargé de Mrs Erlynne, s’il la déshonore, ne la prive ni de noblesse, ni de dignité, et c’est cette ambiguïté du personnage, femme frivole perdue de réputation (…) qui se rit des conventions sociales, que Geneviève Casile traduit avec une grande élégance, jouant en virtuose d’une palette de sentiments qui évitent tout attendrissement mais laissent par instants percevoir la blessure sous le masque du sarcasme et du mot d’esprit.
Nul doute que Wilde aurait aimé cela.
L’Eventail de Lady Windermere – Théâtre 14 – Paris – du 12 Septembre au 28 Octobre 2006
Isabelle Guérin - 15/09/2006



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