CRITIKATOR : Mission florimont


Mission Florimont

Une pièce de Sacha Danino et Sébastien Azzopardi - Mise en scène par Sébastien Azzopardi - Avec Sébastien Castro, Julie Victor, Guillaume Bouchède, Erwan Creignou, Olivier Solivères - Décor et costumes d’Olivier Prost

L’histoire : 1534. Le roi de France, François 1er, est acculé de toutes parts. Son ultime espoir : Florimont de La Courneuve, le meilleur de ses agents secrets… enfin de ceux qui lui restent… enfin, le seul qui lui reste. Objectif : Constantinople. Pour y obtenir l’alliance de Soliman le Magnifique. Ses adversaires : des mercenaires plus terrifiants que des compagnies d’assurances, des traîtres espagnols, à la solde de Charles-Quint, qui sentent les tapas à plein nez et même une femme au bonnet M. Florimont parviendra-t-il à éviter tous ces dangers ? Réussira-t-il sa mission ? Sommes-nous toujours obligés de poser ce genre de questions dans un pitch ? Pour toute autre demande, ne quittez pas, un opérateur va vous répondre…

Mon avis : Dès la fin de la pièce c’est une formidable salve d’applaudissements et de cris de satisfaction qui est venue cueillir de plein fouet les cinq comédiens, un vibrant témoignage de plaisir qui allait entraîner une demi-douzaine de rappels. Un véritable plébiscite, manière enthousiaste de remercier ces cinq énergumènes réjouissants qui venaient de nous faire partager un grand moment de délire. Mission accomplie, Florimont. Florimonty Python ? Il y a de ça dans ce cocktail très réussi de non sens, de burlesque, de folie, d’irrévérence, de satire.

Le ton est immédiatement donné par une troubadourette qui nous brosse avec finesse et humour (et une très jolie voix), le tableau de la situation. Quand elle s’efface apparaît le roi de France François 1er en train de poser pour un peintre italien et pour la postérité. La quiétude de cette scène est bientôt brisée par l’arrivée d’un conseiller porteur d’une sinistre nouvelle. La situation du royaume est grave. Charles-Quint, quasiment maître de l’Occident, est sur le point de mettre la France sous sa coupe. Une seule manœuvre peut encore sauver le royaume : établir une alliance avec Soliman le Magnifique, empereur d’Orient. Mais pour cela, il faut parvenir à se rendre à Constantinople, sa capitale. Or, tous les agents secrets qui s’y sont risqués y ont laissé leur vie après avoir subi d’atroces mutilations. L’ultime espoir s’appelle Florimont de La Courneuve. Et pourtant ce n’est pas une flèche, il n’est guère vaillant, plutôt couard. Ce n’est pas un chevalier de la Table Ronde. Bref, c’est l’anti-héros par excellence.

Et nous voici parti pour pratiquement deux heures d’une fantaisie héroï-comique totalement débridée et désarçonnante (malgré la présence sur scène d’un cheval – blanc de surcroît)… En fonction des situations et des péripéties du périlleux voyage de Florimont, trois des comédiens interprètent une multitude personnages tous plus hauts en couleurs les uns que les autres. La mise en scène est ingénieuse, vive, sans aucun temps mort. On rit sans arrêt. Les gags se succèdent, truffés de savoureux anachronismes et de clins d’œil à l’actualité. C’est du grand n’importe quoi mais parfaitement assumé et parfaitement maîtrisé. C’est truculent à souhait, gaillard sans jamais être vulgaire, délicieusement impertinent et irrévérencieux, gentiment anticlérical… Cet avatar moyenâgeux est servi par un quintette de doux dingues qui ne reculent devant aucune facétie. Pour eux, le ridicule est un apostolat. Ils y vont à fond et ils ne sont jamais grotesques. Ils sont réellement tous épatants. Il est impossible d’énumérer les trouvailles qui fourmillent dans cette pièce absolument désopilante. Et, en plus, ils portent de fort jolis costumes ! Ce qui ajoute encore au décalage, voire à l’exotisme. Sans compter quelques effets spéciaux dignes d’une superproduction.

Mission Florimont possède tous les ingrédients – et même au-delà – d’un succès théâtral. Si, d’aventure, la canicule sévissait, cette pièce s’avère des plus rafraîchissantes. Au cas où l’été, au contraire, serait pourri, c’est le meilleur antidote à la morosité. Une revigorante transfusion de bonne humeur. Nul doute que le bouche à oreille, inévitablement élogieux, va faire de ce conte burlesque un événement incontournable de cet été et de la rentrée prochaine. À recommander pour tout public. Et quelle leçon d’histoire. Cette pièce a le mérite de mettre en lumière un de nos héros les plus méconnus. Messire Florimont mériterait un chapitre (dans chapitre, il y a le mot « pitre ») dans tous les manuels. Jeanne d’Arc est une pucelle à côté de cet intrépide sauveur de la France enfin réhabilité…

Publié par Critikator - jeudi 2 juillet 2009

Théâtre Tristan Bernard : 64, rue du Rocher 75008 Paris - 01 45 22 08 40 - M°Villiers /Saint-Lazare


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